☠ Chapitre 1
« L'enfance est pleine de désillusions. »
Je suis né dans une famille aisée. Mon père avait les deux pieds en politique, c'est un homme ambitieux, volontaire et dur. Trois points communs. Pour le reste, nous n'avons jamais eu la même vision des choses. Et nous ne nous sommes jamais aimés. On dit que l'amour d'un père pour son fils, et inversement est inné. Chez nous, il a du sauter une génération. Mon géniteur a eu un fils, il le fallait, ça se fait dans la bonne société et ça assure l'avenir. Du moins, ça devrait, car avec moi, ce fut raté.
Il avait pour moi autant de sentiments que pour ses esclaves et je le lui rendais bien. J'étais intenable, une véritable déception. J'étais un gamin intelligent, trop car je réalisais qu'on me traçait une voie qui n'était pas la mienne, et peut être pas assez car je n'ai jamais joué le jeu. Et ce malgré les coups, les punitions. Et ma mère dans tout ça ? Parlons en, tiens.
Ma mère était une grenouille de bénitier, très croyante - du moins le prétendait-elle. Encore plus que mon père, elle attendait toujours de moi que je sois parfait et, surtout, pieu. Je devais être le meilleur en cours, en sports, en musique... Et connaitre la bible par coeur. Je m'en souviens comme si c'était hier. Lorsque je devais me confesser, je prenais un malin plaisir à avouer au prêtre toutes les horreurs qui me passaient par la tête. Ce dernier, tenu par le silence, se contentait de me demander cinq Ave Marie et de me renvoyer chez moi. Avec ma mère en revanche c'était autre chose. On aurait dit qu'elle lisait en moi ; et même lorsque je jurais ne pas avoir lapidé le chat des voisins, elle me punissait. Petit, elle me fouettait et plus tard je devais m'auto flageller moi même pour me laver de mes pêchés. Parfois aussi elle me jetait dans un cachot sous la grange et me laissait des jours durant sans provisions jusqu'à ce que j'implore le pardon de Dieu. Rebelle dans l'âme, je ne lâchait jamais et c'est finalement mon père qui m'en sortait avant que je ne sois trop faible. Evidemment, les gens ne voyaient pas ou fermaient les yeux sur ce qu'il se passait chez nous. Seuls nos esclaves m'apportaient affection. En cachette sinon nous aurions tous été châtiés. C'est à leurs côtés que j'ai commencé à rêver à d'autres contrées, à vouloir découvrir le monde.
Et puis, j'ai eu un frère. Les choses ont empiré pour moi. C'est le préféré de notre mère. moi, j'étais à la fois attiré par ce gamin et en même temps j'avais envie de me venger sur lui...
☠ Chapitre 2
« L’adolescence est le temps où il faut choisir entre vivre et mourir. »
Les années passent. Ma vie était un vrai challenge, toujours me surpasser alors que je rêvais d'insouciance et de s'amuser. Et à force que mes parents, surtout ma mère, me rabâchent que mon frère était le meilleur, ma haine pour le gamin ne fit qu'augmenter et je le voyais comme un ennemi. Mais s'il y a bien une chose que j'ai toujours su c'est qu'il faut avoir ses amis près de soi, et ses ennemis encore plus! Alors je faisais tout pour me faire aimer de mon petit frère et contre toute attente nous nous entendions plutôt bien ! Même si notre relation n'était pas toujours cordiale, on pouvait dire qu'on avait appris à s'aimer. Le seul obstacle était ma mère, la marâtre.
Mon père ne m'aidait plus, tout ce qui comptait c'était ses magouilles et l'argent. Il était devenu gouverneur, il souhaitait toujours m'entraîner dans son monde sans honneur. Je l'ai vu accepter des pots de vin, baiser avec d'autres femmes, trahir ses amis, vendre son âme au diable puis revenir la queue entre les jambes tel un cul béni. Tout ça c'était trop pour moi. Je refusais d'être leur pantin, je laissais ça à mon frère à qui ça semblait plaire. J'étais peut être de la mauvaise graine mais j'avais de l'honneur. Peut être que je ne savais pas de quoi je parlais, j'avais seulement 14 ans mais j'en étais certain. Je le suis toujours. Un soir j'ai fait le choix le plus important de ma vie. J'ai volé dans le coffre fort assez d'or pour vivre quelques mois sans excès, j'ai laissé un mot pour ne pas qu'on accuse le personnel, et je suis parti. J'ai pris le nom de mon meilleur ami esclave : Vane, et le prénom Andreas qui vient du grec andros, « illustre parmi les hommes ». J'étais un nouvel homme.
☠ Chapitre 3
« Il y a des adultes qui jamais n'ont été des enfants. »
La vie n'a pas été facile. Elle ne m'a pas épargné grand chose. Quand j'ai fuit je partis en direction des villes côtières. Je voulais prendre le large et j'ai vite été pris comme moussaillon. Pas sur n'importe quel bateau : sur celui de pirates. Un beau pied de nez pour mon père, tiens ! Je n'étais pas gringalet mais rien à voir avec l'homme musclé que vous voyez aujourd'hui. J'ai sué, trimé, je me suis forgé dans la douleur et les cris. Les joies aussi. Car enfin je vivais pleinement. Je me souviens encore de ma première fois sur le pont. J'ai rendu mon déjeuner. Mais l'air de la mer a emplit mes poumons, son sel est venu lécher ma peau imberbe, et j'ai su. J'ai sur que je lui appartenais, corps et âme, pour toujours. Jamais je ne deviendrais poussière, non. Je deviendrais écume. Mais pas de sitôt. J'allais apprendre et devenir capitaine ! Pour l'ambition, je vous l'ai dit : je tiens de mon père. Sauf que j'ai de l'honneur. Je suis un pirate qui suit le code, je ne suis pas un vil traître, prêt à planter un couteau dans le dos des siens. J'ai appris les jeux de guerre, le commerce, les pourparlers et j'ai rallié de plus en plus d'hommes à ma cause.
Je suis devenu capitaine du Neptune lorsque tout l'équipage s'est révolté contre le capitaine. Il nous avait volé ! C'est un véritable déshonneur, même pour un pirate ! Et je dirais : surtout pour un pirate. Un duel s'est imposé. J'ai représenté l'équipage. J'avais la rage contre ce bougre et je savais que c'était ma chance. J'ai tout donné, sans le sous estimer. J'ai gagné. Je l'ai tué, annonçant au passage que je serais sans pitié. Et j'ai pris la tête du Neptune. Le début d'une nouvelle ère. Perpétuant toujours la légende des Peurs des Mers, mais en la rendant beaucoup plus sanglante. Une fois, un homme m'a dit que si j'étais si féroce c'était à cause de mon enfance. Il ne me savait pourtant rien de mon passé, mais il a su dire que j'avais de lourds bagages qui faisaient de moi un animal blessé et que, comme tout animal blessé je mordais et j'étais dangereux. Evidemment, je l'ai tué. Et j'ai décidé
qu' aucun survivant ne serait toléré sur Le Neptune.
« Pas de quartier! »☠ Chapitre 4
« Les yeux sont le miroir de l'âme. »
Suis-je un monstre ? Suis-je perdu ? Suis-je maudit ? Avant de rencontrer Elianor, je ne me posais pas la question. Ou plutôt de la revoir. Figurez vous que nos chemins se sont croisés plusieurs fois sans qu'on le sache.
La première fois j'avais 14 ans, c'était peu de temps avant ma fuite. Mon père m'avait traîné chez un joaillier de Londres (où nous étions pour son travail) pour acheter un bijou, destiné à une maîtresse. Je n'ai pas fait attention à la petite tête blonde qui nous a observé tout du long. Elle devait avoir six ans, alors pensez vous !
Douze ou treize ans plus tard, je ne suis plus certain, je l'ai croisée à son arrivée aux Caraïbes. Je n'étais pas encore capitaine mais déjà pirate. Elle était seule mais il y avait cette lueur de détermination dans son regard. Elle était si belle... Je ne fus pas le seul à l'admirer mais il y en a un qui a voulu toucher. Et ça je ne supporte pas, même sur les prostituées. Non, c'est non. Je suis intervenu. Elle a voulu me remercier avec des bijoux et pendant un bref instant je me suis dit que je la connaissais. J'ai refusé et je suis parti sans donner mon nom, ni demander le sien.
Et voilà que peu de temps après une nouvelle auberge voyait le jour. Certains de l'équipage ont participé à la bâtir lorsque nous étions à terre, en échange de quelques pièces. Moi, ça ne m'intéressait pas. Par contre savoir qui, et quelles affaires nous pourrions faire, ça oui, ça me tentait. Je l'ai revue, mais j'étais dans l'ombre de mon capitaine de l'époque. On ne peut pas dire qu'on soit devenus proches à ce moment là. Non, c'est venu plus tard. Pourtant je l'ai reconnu, elle aussi, même si nous n'en avons jamais discuté. Quand j'ai pris le commandement, je suis venu lui proposer de vraies affaires. Et là, de fil en aiguille, sans que je le veuille ni que je le réalise, elle a fait sa place dans ma vie et... Je déteste penser à ça ! Cette femme me rend fou ! J'ai l'impression qu'elle sait tout de moi ! Un jour, elle m'a même dit
« Un homme cherche Cael Reynolds. Envoyé par un gouverneur. Je me suis assurée qu'il ne savait rien de plus, il est enfermé au cachot. » J'étais sidéré. Je vous épargne les détails mais cette femme s'est souvenue de moi petit, et elle m'a protégé sans poser une seule question. Et mon coeur, cet idiot, bat plus fort chaque fois que je vais la voir.
Mais je suis un pirate, que puis-je lui apporter ? Je ne sais même pas aimer.