Le destin est étrange, n’est-ce pas ? On croit que notre route est toute tracée, et que peu importe les obstacles, ledit destin nous conduira toujours à notre but ultime, qu’on l’ait choisi ou non. Cette ligne de conduite semble tellement évidente, si… indiscutable, qu’on peinerait à croire que des choses que l’on pensait improbables puissent se produirent. Je ne qualifierai pas cela de barrière gênant notre avancement, notre progression au sein même de cette chose si précieuse qu’est la vie, mais plutôt de revirement de situation, parfois que l’on ne prévoit pas, que l’on ne choisit pas. Pourtant, ce quelque chose va tout chambouler, va tout remettre en question, et nous apporter de nouvelles perspectives d’avenir, que cela soit en bien, comme en mal. Certain voit en cela l’acte du malin, détournant la volonté de Dieu sur notre personne. Qui somme nous pour deviner ce dont le Tout Puissant a décidé de faire de nos vies, de nos êtres, de notre destinée… ? Dans l’échelle -aussi grande soit-elle- de l’univers, nous sommes que d’infimes particules, de la poussière parmi tant d’autre. Néanmoins, chaque être à son importance, chaque être à un rôle à jouer dans la marche du monde, dans notre propre évolution.
L’histoire dont je vais vous parler est celle d’une de ces nombreuses vies peuplant notre chère Terre. Oh, elle n’a bien sûre rien de très exceptionnelle au regard ne n’importe quel badaud. Mais l’étudier, l’observant sous tous ses angles, permet de démontrer à quel point le destin peut-être capricieux et incroyablement joueur.
Evelyn Quinn était serveuse à une auberge située sur le port de Londres. Elle y accueillait souvent des marins venant y prendre du bon temps en compagnie d'alcool, de camarades, et d'un bon lit. Un soir alors qu'elle servait un équipage venant fraîchement de débarquer pour quelques jours, elle fut gênée dans son service par les gestes mal placés de l'un d'eux. Dès qu'elle s'approchait pour les servir, ou passait à côté pour rejoindre d'autres clients, ce dernier ne cessait de la reluquer jusqu'à lui pincer le derrière. Une gifle suffit à le faire regretter, ainsi que la franche rigolade et moquerie de ses compagnons. Les jours suivants, le même équipage revint, et toujours en présence de cet homme. A chaque fois, le duo très complice de jour en jour se lançait des piques amicales, se lançait des regards… Le jeune Charly Wyatt faisait tourner la tête d'Evelyn, qu'il trouvait d'ailleurs plus que charmante.
Cette attirance grandissante, passant d'un amour vache à un véritable coup du destin, amena le matelot à demander la main de la serveuse, pour quelques mois plus tard voir apparaître la petite frimousse de leur fille.
Sarah Jane Wyatt a vue le jour en avril 1649, dans la merveilleuse ville de Londres. Elle n'est cependant pas née dans une merveilleuse maison comme on peut en voir dans les quartiers riches et très classes de la capitale. Non, ce genre de naissance dans un berceau doré, on les réserve à ces nobles et bourgeois aux poches remplies d'argent, grassouillet, et aux femmes vêtues de magnifique robes prenant bien trop d'espace. Elle avait au contraire respiré pour la première fois dans une de ces nombreuses petites rues sombres, humides, sales, et empestant le rat mort à des kilomètres. Monsieur et madame Wyatt vivait péniblement grâce aux revenus d'Evelyn, Charly ayant quitté son équipage afin de prendre soin de sa nouvelle épouse. Malheureusement pour lui, il enchaînait les boulots ingrats, dont on le renvoyait souvent pour cause de mauvaise conduite. Il n'était pas rare de le voir voler quelques objets, de l'argent, dans le but de satisfaire les besoins de sa nouvelle famille. Le couple réussit à vivre normalement ainsi, la chance faisant en sorte que Charly ne se fasse jamais prendre. Mais l'arrivée de leur enfant allait rendre leur vie beaucoup moins facile, notamment part le fait qu'Evelyn du quitter son travail afin de prendre son rôle de mère.
Durant les premières années de sa vie, l'argent sortait, mais ne rentrait pas. Les maigres économies que le couple possédait passaient aux mains des marchands peu scrupuleux leur vendant de maigres denrées pour se nourrir au strict minimum, et même quelques fois pas du tout. Sentait qu'ils étaient en passe de se retrouver dans la rue, Charly décida de s'engager à bord d'un navire marchands, qui aux premiers abords étaient comme les autres. C'est en creusant plus loin, et au bout de quelques semaines, qu'il découvrit qu'il s'agissait d'un navire de contrebande. Pour autant, et bien qu'il sache tout cela illégal, jamais il ne prit la décision de quitter cet équipage, car non seulement cela lui permettait de recevoir de l'argent, mais également parce que cela lui plaisait.
Evelyn fut la seule à prendre en charge Sarah durant plusieurs mois, plusieurs années, tandis que son époux partait en mer durant de nombreuses semaines. Ayant apprit à lire et à écrire, elle transmit ces enseignements à sa fille, lui prodiguant ainsi une base solide qui lui servira toujours. Tout semblait parfaitement rouler, si ce n'est que l'argent récolté par Charly n'entrait que très lentement en Angleterre. Mère et fille se retrouvèrent à la rue, ne pouvant pas payer le loyer. La jeune fille n'avait alors que sept ans. Toutes les deux se mirent à mendier, voler pour se nourrir. La nuit, elles allaient souvent dormir sous des ponts, ou cherchaient asile dans les églises. Jusqu'au jour où, épuisée et affamée, la mère de Sarah ne se réveilla plus. Elle du alors se débrouiller seule, continuer à trouver de quoi vivre de son propre chef. Vole à la tire, demande d'aumône, courses poursuites pour fuir les gardes, était devenu son quotidien. Chaque jour, elle se rendait au port, attendant le retour de son père, sa seule et unique famille qu'elle espérait vivante. Elle vécue ainsi jusqu'à l'âge de seize ans, où son père revint enfin à Londres. Il fut anéantit d'apprendre la mort de son épouse, et décida de prendre sa fille sous son aile, s'en voulant d'apprendre ce qui c'était passé depuis son absence. Elle aurait pu le haïr, le détester pour les avoir ainsi abandonné, mais elle n'y arriva pas. Sarah avait tellement longtemps attendu son retour, avait tellement espéré retrouver quelqu'un, ne plus être seul, que jamais elle ne c'était sentie aussi heureuse à la perspective de prendre la mer avec lui. Il fallait avant tout comme le reste de l'équipage accepte de la prendre à son bord. Après tout, il s'agissait d'une femme, même miniature ! Les bonnes grâces du capitaine envers Charly lui permirent de la prendre avec lui, à condition qu'elle reste tranquille.
Sarah n'avait aucune idée du lieu où elle se retrouverait lorsqu'elle a pour la première fois mit le pied sur le navire à bord duquel naviguait son père, et c'est à peine si elle pu voir ce qu'y s'y passait réellement. Durant tout le temps du voyage, elle resta sur le lit où dormait son père, lisant le seul livre qu'elle possédait et que sa mère lui avait donné petite. Elle avait beau le connaître par coeur, connaître chaque épisode de chaque page, cela ne l'empêchait pas de passer ses journées à lire chaque page gorgée d'encre. En même, il s'agissait de la seule activité qu'elle pouvait faire tranquillement. On l'empêchait au maximum d'être seule avec les autres membres de l'équipage, d'où le fait qu'elle sorte peu, hors mis de temps à autre pour prendre l'air, sur le pont, toujours en compagnie de son père. De temps à autre, il lui arrivait de parler avec le capitaine du navire, un certain Lame Jack. Il la laissait de temps à autre entrer dans sa cabine, pour discuter, pour lui apprendre certaines choses sur la piraterie, car là était bien la véritable nature de leur commerce. Il parla également beaucoup du Nouveau Monde, des Caraïbes, lieu auquel ils se rendaient, sans doute pour y rester un très long moment, les mers d’Europe étant devenues bien trop dangereuses ces derniers temps. Toutes les histoires qu’il lui racontait, toutes les légendes, lui donnaient tellement envie d’arriver et de poser enfin le pied sur ces terres inconnues ! A chacune des escales, la demoiselle devait néanmoins restait à bord, pour éviter trop d’ennuis, ce qui accentuait d’avantage sa hâte, ainsi que sa soif d’aventure.
Après plusieurs semaines, ou plutôt plusieurs mois de navigation, l'équipage arriva à Port Royal. Pour fêter leur arrivée indemne, ils se dirigèrent tous dans une taverne. L'alcool coulait à flot et une bonne partie des mécréants était complètement bourrée lorsque le drame éclata. Un homme saoule eut le malheur de renverser la chope de bière d'un autre, provoquant ainsi une bagarre auquel tout le monde prit part. Dans son coin durant toute l'altercation, Sarah observait la scène à moitié amusée et désespérée jusqu'au moment où son père vint vers elle, visiblement mal en point et s'écroula. Elle le regarda avec effroi et poussa un cris d'horreur que personne ne pu entendre, vu le bruit horriblement qu'il y avait dans l'établissement. Elle croisa néanmoins le regard du capitaine qui était en train de ranger un dague dans sa veste, le sourire au lèvre, semblant l'observer avec satisfaction. Sous l'impulsion, la colère, la jeune femme s’apprêta à lui sauter dessus lorsque deux bras puissants lui serrèrent la taille et l'emmenèrent hors de la taverne, sans qu’elle ne se rende compte de quoi que ce soit. Fatiguée par le long voyage, envahit par la haine et la tristesse, elle n’eut pas le courage de se défendre et tomba tout simplement dans les pommes, alors qu’elle sentit l’air salé de la mer lui fouetter le visage.
L'anglaise reprit connaissance petit à petit, sans qu'elle sache depuis combien de temps elle avait les yeux fermés. Elle sentit tout d'abord une sensation de douceur sous ses mains, ses jambes et sa tête, ainsi qu'une petite boule de chaleur dans son ventre, comme une sensation de bien être qu'elle n'avait pas ressentit depuis un certain temps. Elle se mit ensuite à sentir une douce odeur qui ressemblait à celle d'un pain chaud, immergent son odorat et faisant gargouiller son ventre. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle réalisa qu'elle se trouvait dans une chambre. En relevant doucement la tête, elle comprit qu'elle se trouvait sur un lit, non pas revêtit de sa vieille robe, mais d'une robe de chambre blanche... propre. C'est alors qu'un homme aux allures modestes s'approcha d'elle, portant un bol semblant remplit de soupe, d'après l'odeur qui s'en dégageait.
-Vous êtes enfin réveillée… Je commençais à m’inquiéter. Dit-il en s’approchant et posant le bol sur la petite table de chevet.
-Depuis… Depuis combien de temps suis-je endormie ?
-Deux jours. Encore un peu perturbée, Sarah l’observa de haut en bas, sans vraiment comprendre.
-Qui êt’...
-Qui je suis ? Oliver Rees, je suis prêtre. J’ai vu ce qui s’est passé à la taverne, et j’en suis désolé… Je ne pouvais pas te laisser seule là-bas, surtout dans ton état, alors je t’ai amené ici.Au fur et à mesure que ses esprits revenait, la demoiselle se rappela de la veille, de ce qu’elle avait vu à propos du capitaine. Elle en parla au dénommé Oliver, qui l’écouta et l’informa que ce genre de chose n’était pas rare. Il lui proposa alors de l’héberger quelques temps, pour pouvoir reprendre des forces et trouver un travail. Chose qu’elle accepta. Après tout, elle n’avait nul part où aller…
Sarah resta donc près de quatre ans en compagnie du prêtre Reese, suivant son enseignement. En dehors de ces quelques cours, elle se rendait souvent durant son temps libre dans des lieux un peu isolés, où elle s’entraînait à l’épée. Plus mauvaise que douée, elle réussissait néanmoins à se débrouiller assez pour se défendre en cas de besoin. A vingt ans, elle quitta Oliver qui réussit à lui trouver un logement en pleine ville, où il lui trouva également un travail chez une couturière. C’est là qu’elle rencontra un certain David Philips, qu’elle eut l’occasion de croiser plusieurs fois pour refaire son costume. Une grande complicité s’est créée entre eux, sans que cela n’aille plus loin. A vrai dire, elle craint qu'il la connaisse d'avantage, de part ses origine et ses ambitions. Néanmoins, elle voit à travers lui l’opportunité d’atteindre son but ultime, en souhaitant servir les autorités de manière plus ou moins direct, et ainsi pouvoir atteindre cet homme ayant mit fin à la vie de son père.
Désormais, que le vent guide ses pas !