La boutique est ouverte !

Le vent souffle doucement, remuant quelques mèches de cheveux ébènes sur le front de l’hawaïen, alors allongé dans un canot. Mais quelques minutes plus tard, le dit canot se met à remuer un peu plus, poussé par le vent qui se fait un peu plus violent. Un tel mouvement réveille Keanu, jusqu’à présent endormi à cause d’une ingestion un peu trop massive de rhum. Il se redresse d’un bond et tourne mollement la tête, constatant d’un air à la fois blasé et ennuyé qu’il se trouve seul sur les flots, loin de toute terre et de tout pavillon.

J’aurai p’t’être pas dû boire la marchandise de mon client… Sont susceptibles en ce moment…

Au moins il n’a pas été frappé. En tout cas il ne se sent pas mal en dehors du fait qu’il se sente un peu barbouillé. Et maintenant ? Que faire ? Une tempête approche mais il n’a même pas de rame pour essayer de lui échapper. Alors il se rallonge et ferme les yeux, laissant les flots le porter. Si la mer veut encore de lui, elle le laissera en vie. Il a confiance. Après tout, il a un commerce à faire tourner. Le monde a encore besoin de lui.


Keanu l’a bien remarqué, le monde tourne grâce à l’échange. Et il faut de l’énergie pour chaque chose. Un bateau n’avancera pas sans bras pour ramer et sans vent pour faire gonfler ses voiles. Un moulin a besoin d’eau pour tourner ou d’un animal pour faire avancer ses roues. Et l’homme a besoin de nourriture mais surtout d’un bon rhum pour trouver la motivation de commencer sa journée. Ca, il l’avait bien compris déjà tout petit lorsque son père le battait lorsqu’il n’avait pas eu sa dose d’alcool journalière. Au moins quand il buvait, il le laissait tranquille. Alors, pour avoir de l’alcool, il s’arrangeait toujours pour avoir des choses à troquer. Des bijoux qu’il fabriquait lui-même, des légumes qu’il plantait, des poissons qu’il pêchait… Et au delà de cette obligation qu’il avait, il appréciait cet échange. C’était comme un jeu pour lui. C’est ce qui lui donna le goût du commerce.

Après avoir traversé les océans, les terres et les mers, Keanu trouva enfin une zone où il appréciait travailler. Avoir un bateau à lui l’aidait grandement dans ses déplacements et l’empêchait de stagner toujours au même endroit. Il avait passé un accord avec les pirates pour ne pas être pris pour cible même s’il évitait un maximum de croiser leur route. La tentation était toujours grande, surtout lorsque l’on savait qu’il avait toujours de l’alcool et autres joyeusetés à bord. Néanmoins, il appréciait de faire affaire avec eux. Il arrivait souvent à les dépanner lorsqu’ils cherchaient des choses "introuvables". C’était un challenge pour lui d’arriver à satisfaire n’importe quel client. « Si je ne l’ai pas, c’est que ça n’existe pas ! » C’était sa devise. Pirates, nobles, colons, peu importait. Tous étaient des clients. Peu importait où le menait ses ventes et ses échanges. Et même s’il lui arrivait de drôles d’ennuis dans ce drôle de monde, il en appréciait chaque minute. C’était ça, la vie de marchand.